Légère, les mains dans les poches.

 

Bien sûr, c’est toujours quand on se parle à soi même qu’on dit les choses les plus intelligentes.

Bien sûr, c’est toujours quand il n’y a personne pour nous admirer qu’on est la plus belle.

Bien sûr, c’est toujours quand on est seule qu’on rêve d’Être pour quelqu’un.

 

Évidemment, c’est toujours quand on met sa plus belle robe qu’on ne croise personne.

Évidemment, c’est toujours quand on est fagotée comme l’as de pique qu’on croise l’homme de sa vie.

Évidemment, c’est toujours quand on maquillée qu’on pleure.

 

Bien sûr, c’est toujours quand on sort, légère, les mains dans les poches qu’il se met à nous pleuvoir sur la tête.

Bien sûr, c’est toujours quand on veut avancer qu’on crève.

Bien sûr, c’est toujours quand on veut grandir qu’on nous marche sur les pieds.

 

Évidemment, c’est toujours quand on doit se lever tôt le matin que la nuit nous empêche de dormir,

Évidemment, c’est toujours quand on peut dormir tard la nuit que le sommeil frappe à la porte

Évidemment, c’est toujours quand on a envie de pleurer que c’est sec.

 

Bien sûr, c’est toujours quand on aime que bien sûr, bien sûr que non.

Évidemment, c’est toujours quand on c’est évident que c’est évidemment non.

Bien sûr que non.

 

 

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Quand on a tout ou presque.

Je n’ai plus grand chose

C’est un petit peu différent de ne plus rien avoir du tout,

mais plus grand chose c’est tellement juste avant plus rien du tout que ça flanque le vertige.

 

Quand on a tout, ou presque, ça peut aussi faire tourner la tête.

C’est grisant jusqu’au point où on ne s’en rend même plus compte.

Qu’on a tout ou presque.

 

Quand on n’a plus grand chose, juste avant de n’avoir plus rien du tout,

on se rattache à ce que l’on a,

on s’accroche,

on devient un terrien avec les pieds dans le vide.

On devient un terrien perché & on attrape le vertige.

Comme ça.

Pouf.

Comme on attraperait un taxi, une maladie, ou une pomme sur un arbre.

 

On se met à espérer que le taxi conduira comme Fangio, que la maladie ne sera pas incurable, que l’on n’est pas Blanche-Neige.

Quand on a les pieds dans le vide, on a aussi la tête ailleurs.

 

Ailleurs que dans le vide, on peut se permettre de se demander où c’est.

 

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Compter les points sur le dos des coccinelles.

Enfouir mon nez dans mon écharpe même en été

faire la vaisselle pour avoir chaud

passer mes mains sur le clavier du piano

écouter une chanson qui fait honte & connaître les paroles par coeur

allumer une bougie & puis la souffler quand je dois partir

passer dans ma rue préférée à pied ou en voiture

regarder les gens, assise en terrasse

fumer

dormir dans des draps propres

ouvrir mon livre préféré, passer ma main sur une page au hasard, la respirer, lire la page, ranger le livre

couper des courgettes

résoudre l’énigme journalière de 4 images/ 1 mots en me réveillant le matin

respirer le premier lilas

ranger la chambre de mes enfants

me faire craquer les doigts

écrire

conduire sans savoir où je vais

conduire en sachant où je vais

consulter mon compte le 5 du mois

chanter très fort

marcher pieds nus dans le sable, la terre, la rue, la boue

embrasser

mettre mes doigts dans mon nez au feux rouges

faire pipi dans l’Océan & sous la douche, & dans le bain

nager

mettre ma langue dans ta bouche

passer sans qu’on me voit

frotter mes yeux très fort

photographier

décapsuler une bière avec un briquet

mettre ma bague le matin

caresser le dos d’un cheval & respirer ma main après

déclamer le seul poème que je connais par cœur devant tout le monde

prendre le taxi

prendre le métro

acheter une robe & la porter direct

me souvenir

faire de la musique avec mon fils

manger avec les doigts

appeler maman

écouter la vie dehors

danser sur la table basse

espérer

rompre le pain

faire du vélo sans les mains à Fontainebleau

marcher très vite

siffler avec les doigts

gratter ma basse

passer mes mains dans le sable

dormir seule

regarder par la fenêtre avec une tasse de café brûlant dans les mains

embrasser un arbre & écouter battre son coeur

regarder voler les oiseaux

apprendre

prendre de grandes décisions & m’y tenir même si elles sont mauvaises

observer les gens chez eux la nuit, par les fenêtres éclairées

plier le linge

enfiler mes chaussures le matin en me disant qu’enfin, la journée commence

shooter dans un caillou tout le long de mon chemin
avoir tort

boire un très bon vin rouge dans un verre à moutarde

conduire à Paris

dormir avec un garçon que j’aime & qui m’aime

prendre le train

avoir de la peinture plein les doigts

comprendre une blague ¾ d’heure après tout le monde

aller chez le coiffeur

aller dans une librairie quand je n’ai pas un sou & lire la dernière page de tous les livres que je ne peux pas m’offrir

compter les points sur le dos des coccinelles

ramasser sur la plage des éclats de porcelaine polis par l’Océan

rencontrer des gens nouveaux

avoir raison

monter à cheval

rêver qu’un jour je plongerais, qu’un jour je volerais en montgolfière, qu’un jour j’aurais mon permis moto, qu’un jour je serais grande, qu’un jour j’irais au Burning Man avec mon fils

avoir la fève mais refuser de porter la couronne

me vernir les ongles

inventer des trucs inutiles

être utile

me dire que cette liste de toutes les choses qui me font du bien est peut-être plus longue que la liste de toutes les choses qui me font du mal

me demander si c’est important d’écrire la liste des choses qui me font du mal

remettre à plus tard

 

faire à manger à mes enfants.

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je t’écris

Il a commencé par faire chauffer l’eau pour le thé.

Il a installé la tasse sur la table, juste dans le rayon de soleil.

Celui de 19h32.

A côté de la tasse, il a posé le stylo & le carnet, le paquet de cigarettes & le cendrier.

Quand l’eau s’est mise à frémir, il a rempli la tasse, immergé un sachet « matin d’hiver », pas de sucre.

Jamais de sucre.

Il a tiré la chaise, quand il s’est assis, elle a grincé un peu.

Il a attendu quelques minutes que ça infuse, regardé la vapeur d’eau s’échapper dans le rayon de soleil.

Celui de 19h37.

Il s’est réchauffé les mains sur la tasse brûlante, il a enlevé le bouchon du stylo, ouvert le carnet, bu une gorgée de thé.

Il a écrit.

Il a écrit : Je ne peux pas t’écrire ça. Pas directement. Alors je t’écris dans un rayon de soleil.

Celui de 19h43.

Je t’écris que tu me manques. Je t’écris que le thé est brûlant. Tellement brûlant que j’ai du mal à le boire.

Je t’écris que je ne peux plus écouter de musique, que je ne peux plus ouvrir un livre, que je ne peux plus fumer une cigarette, que je ne peux plus voir personne embrasser personne, ou même l’enlacer, ou seulement la regarder.

Je t’écris ce qui m’est interdit. Que je t’aime atome après atome, que la vieillesse me presse, si elle se passe avec toi, que je ne veux pas, pas du tout que tu change, que tu es une femme aimable, une mère courageuse, une amie précieuse.

Je t’écris les ravages de ton odeur sur ma raison, je t’écris mon cœur qui explose quand tu ris, je t’écris mes mains qui tremblent quand tu passes. Seulement quand tu passes.

Je t’écris mon amour dans un rayon de soleil.

Celui de 19h59.

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