Ce soir, c’est tout.

Ce soir, il ne m’appartient pas de dire ce qui s’est défait entre la vie & moi.

Ni comment, ni pourquoi.

Ce soir, quelque chose qui m’échappe s’est échappé de moi.

Peut-être rien, tout simplement.

Peut-être tout.

Ce soir, il ne m’appartient pas de dire que je suis devenue sel & marées, chemins & barbelés, tempête & temps mort.

Ce soir il ne m’appartient pas de chanter la partie épuisée, l’incapacité du corps, du visage, l’idée de traîner l’enveloppe inutile, le pauvre sourire non plus.

Ce soir, elles ne m’appartiennent plus les minutes, les eaux calmes, le silence & la paix.

Ce soir il ne m’appartient plus.

C’est tout.

 

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Maman-Loup-Mur.

Elle est bizarre ma maman aujourd’hui.

Elle est…pas très jolie.

 

Elle est même pas habillée, même pas maquillée alors qu’il est midi passé.

Elle a les yeux tout rouges & tout gros.

On dirait une sorte de loup ma maman aujourd’hui.

 

Elle me fait un peu peur avec ses cheveux tout droits sur la tête & son regard pas là.

& puis je commence à avoir faim, moi.

 

Elle ne dit rien.

Elle ne sourit à rien. Même pas à moi.

On dirait qu’elle dort encore avec ses yeux ouverts.

Tout rouges, tout gros.

On dirait qu’elle est pas là du tout.

 

Pourtant, je sens son odeur.

Elle ne sent pas le loup. Elle sent ma maman.

Comme d’habitude. Normalement.

 

Pourtant, je la vois qui bouge un peu.

Pas beaucoup, mais quand même un peu.

Tout lentement. On dirait qu’elle a pas envie de bouger.

On dirait un loup qui pèse des tonnes.

 

Un loup en briques.

 

J’ai faim, mais je n’ose pas lui dire à ma maman-loup-en-briques.

J’ai peur que ses yeux deviennent encore plus rouges & plus gros.

& puis qu’elle ne bouge plus du tout.

Qu’elle devienne une maman-loup-mur.

 

Une maman-loup-mur, ça ne fait plus du tout à manger.

 

& moi, j’ai faim.

J’ai vraiment très faim.

 

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Un 31 décembre à minuit.

 

(Conversation au café – début )

 

– Tu sais, être seul, je veux dire, vraiment seul, sans enfant, c’est terrible. C’est une solitude terrible. C’est être seul, vraiment. C’est n’avoir personne pour qui compter.

– Tu sais, être seule avec des enfants, c’est aussi terrible. C’est une double solitude. C’est être seule, & être seule avec eux.

C’est être seule deux fois. C’est être la seule sur qui ils peuvent compter.

C’est comme être seule dans une grande ville un 31 décembre à minuit.

Ma vie, c’est un 31 décembre à minuit.

 

– C’est comme être seul un lundi de rentrée à 8h45.

Ma vie, c’est un lundi de rentrée à 8h45.

 

– On prend un autre café ?

– Non. On prend le temps.

 

(Conversation au café – fin )

 

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